IOURKAAu hameau de Madja Vivait l’ami Iourka. Grande était la vigueur De cet homme komi. Lui faut-il au printemps Semer les grains de blé, Sans cheval il laboure : « Me voici un poulain ! » S’en va-t-il dans les champs, Il ne dort comme d’autres. Il avait une faux D’une brasse de long. En un jour il moissonne Six champs et un septième. « On mangera beaucoup, Si l’on travaille un peu ! » Lorsqu’il abat un arbre, Nul besoin d’un cheval : Son épaule le porte Avec facilité. Le tronc était pour lui Comme un rameau de saule : « On peut faire avec ça Pour la pêche une canne ! » Va-t-il couper du bois, Il n’appelle personne. « Pour moi, ce travail-là, C’est un vrai jeu d’enfant ! » Une pluie de copeaux Jaillit sous sa cognée : D’un seul coup le bois monte Jusqu’au faîte du toit. Allant chercher des bûches, Il coupe un résineux, Puis jusqu’à la maison Le traîne sans broncher. « C’est plus rapide ainsi Pour préparer les bûches. Voici sans nulle coupe Mon poêle incandescent ! » Jusqu’à trente ans, Iourka Vécut trop ardemment. Il finit par avoir Un abcès dans le dos. Bien sûr, nul ne résiste Face à la maladie. Iourka gémit, couché, Il ne peut travailler. Un mois il fut souffrant. Il vint à court de pain. Avec le ventre vide, La vie devient pénible. Aucun des villageois Ne lui porta de l’aide. Mais Iourka put encore Chercher sa nourriture. Geignant, il se leva, Prit un couteau tranchant. « Ici tout affamé, On ne peut pas guérir ! » Lentement sur le pré Il conduisit ses jambes. Les gens de demander : « Où vas-tu donc, cher frère ? » « Je sors pour prendre l’air, Répond l’ami Iourka. L’oisiveté m’a fait Détester la maison. » Dans le pré il saisit Un petit agnelet, Saigna le mignonnet, Le tua gentiment. Puis il rentra chez lui, Fit une bonne soupe, Mâcha, mangea la viande, S’empiffra tout le soir. Depuis ce jour Iourka Ne connut plus la faim. Il eut bientôt pour lui Un second agnelet. Ce second, bien dodu, Était tendre de chair. De mauvais mouton, certes, Iourka n’emportait pas. Quand arrive un jour gras, Pas question de jeûner. Ce n’est pas du pain sec Qu’il fourre en son gosier. Iourka se mit à prendre Au pré une brebis. À force de bons mets Son dos put se guérir. Sa tête s’épaissit, Il est gros comme un porc. Il soulève deux tonnes Sans bouger le nombril. « Ça me plaît, maintenant, Sans nul travail à faire. Aucun des villageois Ne vit de cette sorte ! » Il dépassait les bornes. Les gens n’en pouvaient plus : Les brebis disparaissent, Même une vache aussi. Il était évident De qui c’était la faute, De qui venait ce mal, Qui était le voleur. « Iourka, dit-on de lui, Ratisse parmi nous. Comment n’a-t-il pas honte, Le malheureux garçon ! » Iourka se réjouit, Ne change pas de vie. À l’affliction du peuple Il était insensible. De temps en temps au pré Il s’en va pour longtemps, Et ramène la viande Plein sa grande sacoche. Quand on lui demandait : « Que portes-tu ainsi ? » Lors Iourka de répondre : « J’ai cueilli des bolets. » Tout le monde sait bien, Quels sont ses champignons, Mais comme on est moins fort On ne le fouille pas. Voici qu’il révélait Sa face et son revers. Au hameau de Madja La vie devint trop dure. Si les brebis s’éteignent, Comment coudre un manteau ? Si tu restes sans viande, Mange un simple bouillon. « Il faut intervenir, Se dit chaque habitant. Il faut couper les ailes À cet affreux corbeau ! » Alors parla aux gens Un vieux à barbe blanche : « On n’extrait pas sans peine Une épine enfoncée. Grande comme un démon De Iourka est la force. Sans user de la ruse Vous n’en viendrez à bout. L’induire en tromperie, Nous le pourrons sans doute. Voyez-vous, il s’agit De mon propre filleul. Avant lui, je menais Une vie toujours bonne. Demain je lui ferai Boire une bière forte. J’en offrirai jusqu’à Ce qu’il tombe inconscient. Après cela, Iourka N’aura plus de soupçons. Dans une forte corde Nous le ligoterons, Puis nous l’engloutirons, Avec l’aide de Dieu. » Les gens de remercier Le vieillard par avance. Le bon parrain tint prête Pour son filleul la corde. Cette bière était forte Autant qu’une eau de vie. Iourka arrive et boit, Il devient cramoisi. Il dit à son parrain : « Je n’ai pas oublié Comment, étant malade, J’ai eu cinq jours de faim. J’ai donc pris pour manger Aux gens une brebis. Mais pas à mon parrain, Non, pas un tel forfait. » Le parrain le retient : « Tu es cher à mon cœur ! Autant qu’il m’est possible Laisse-moi te servir ! » Iourka dans une louche Lampe la bière forte. Il sent se détacher Sa tête des épaules. Après quelques instants, Il tomba ivre mort. Le parrain se rua, Sans manquer cette chance. Il ligota bien fort Bras et jambes de l’hôte : « Là, tu vas arrêter De nous faire du mal ! » Iourka de s’étirer – Et la corde fit crac ! Dans sa peur, le vieillard Perdit son pantalon. « Hélas ! hélas ! chers frères, Son bras remue encore ! Cachez-moi, cachez-moi, De peur qu’il ne me tue ! » Mais Iourka dort encore, Épargnant le parrain, Ce n’est qu’en somnolant Que son bras s’agitait. Alors les villageois Usèrent de bon sens : Portèrent d’autres cordes Tous ceux qui en avaient. Du dormeur à nouveau Ils serrèrent les bras. Le filleul, dans les lacs, Est pris comme une mouche. Autour de lui s’enroulent Bien des brasses de corde. Iourka dort en ronflant, Il n’entend rien du tout. Lors la foule en colère Voulut le faire pendre. « Noyons-le dans le lac », Suggéra le vieillard. Les gens se ravisèrent : C’est une bonne idée, Le parrain de Iourka, Comme il s’est exprimé. Iourka ne resta plus Étendu là longtemps. Au bord de l’eau il fut Descendu prestement. En barque ils le jetèrent Comme un vulgaire sac, En lui liant les jambes Avec deux lourdes meules. Vite au milieu du lac Ils menèrent la barque, À l’eau le renversèrent : « Mange encor nos brebis ! » Iourka se réveilla, Et son sang bouillonna. Il ne supportait pas Ce grand tourbillon noir. Il arracha ses liens, Et remonta encore : « Ce lac est trop petit Pour que j’y puisse entrer ! » Mais il ne pouvait plus En sortir, le noyé. Les voici ligotées, Les ailes du héros. Voici que les deux meules Remplissent bien leur rôle. Sous l’eau coule à nouveau La tête de Iourka. Dès lors ses yeux ne virent Plus jamais le soleil. Au petit lac vaseux Céda sa grande force. Alors les gens se mirent À sentir du tracas : « Noyer un homme vif, C’est un péché très grave ! » Le vieillard déclara : « Si nous y parvenons, Nous serons tous absous Moi et chacun de vous. Le moyen, c’est heureux, Repose entre nos mains : Qu’on fasse un mémorial, Et le péché n’est plus ! » Se laver du péché, Il le faut bien, c’est sûr. De grains d’orge ils remplirent Un chaudron à moitié. Dans l’eau ils délayèrent, Firent chauffer des bûches. Sur le lac ardemment Les gens s’en vont prier : « Vole au clair paradis, Iourka, notre cher frère ! Nous préparons pour toi Une bouillie de pain ! » La bouillie enfin cuite, Chacun en prit un peu, Afin que vers l’éden L’ami Iourka s’envole. Leur mémorial était Fait de bouillie brûlante. L’âme ainsi purifiée, Tous dès lors s’éloignèrent. Dans la bouillie leur faute Fondit comme la neige. « La bouillie de Madja », Tel sera leur surnom.
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IourkaЖанр:
Комиӧн
Юрка Оригинал гижысь
Лебедев МихаилОригинал гижан кад:
1928ʼ во
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Une légende komie
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