SOIR D’HIVER | |
Au porte-mèche maman file, | |
Papa feutre les bottes ; | |
Frérot joue avec un jouet, | |
Et notre sœur l’embête. | |
« C’est le mien, ce n’est pas le tien », | |
Dit-elle à notre frère. | |
« Maman ! Elle a pris mon jouet ! », | |
Se plaint-il à maman. | |
À la table, dans la pénombre, | |
Je lis un livre russe. | |
C’est très dur, incompréhensible : | |
Que lis-je ? Je ne sais. | |
Une fois encor meurt la mèche, | |
Il faut la remplacer. | |
Frère et sœur se cherchent querelle – | |
Ça commence à bien faire ! | |
Grand-maman veille le bébé, | |
Chantant sur le berceau : | |
« Dodo, dodo, baïou-baï baï, | |
Dors, ma petite fille ! » | |
(Comment dormir dans ce vacarme | |
À moins que l’on soit sourd ?) | |
« Gronde-les, Anna, ça suffit, | |
Il faut les mettre au lit. » | |
Tous les soirs la mèche fumante | |
Teint la maison de bleu. | |
Dès qu’on se couche, les yeux piquent, | |
Et adieu le sommeil ! | |
Dans le lit, sous la couverture, | |
Longtemps nous folâtrons. | |
Mais nous allons bientôt nous taire | |
Sous la ceinture de papa. | |
Un autre soir, dans le sous-sol, | |
Mamie conte une histoire. | |
Nous l’écoutons dans le silence | |
(Si ce n’est un murmure) : | |
« Douda, douda, où étais-tu ? | |
– Je forgeais une faux. » | |
Ou bien : « Chérie, où étais-tu ? | |
– Sur la tombe de l’oncle... » | |
Прансуз ногӧн гижис
Sébastien Cagnoli
Sébastien Cagnoli