CHASSEUR ET LA LAITIÈRE | |
L’alouette à peine éveillée | |
Chante l’aurore d’un beau jour ; | |
Suis le chasseur sous la feuillée, | |
Laitière ; il parlera d’amour. | |
Dans la rosée allons, ma chère, | |
Cueillir pour toi fleurs du printemps. | |
— Non, beau chasseur, je crains ma mère. | |
Je ne veux pas perdre mon temps. | |
Ta mère et sa chèvre fidèle | |
Sont loin derrière ce coteau. | |
Écoute une chanson nouvelle | |
Qui vient des dames du château. | |
Fille qui la peut faire entendre | |
Doit fixer les plus inconstants. | |
— Chasseur, j’en sais une aussi tendre. | |
Je ne veux pas perdre mon temps. | |
Pour la dire apprends l’aventure | |
Du spectre d’un baron jaloux, | |
Entraînant à sa sépulture | |
La beauté dont il fut l’époux. | |
Ce récit, quand la nuit est noire, | |
Fait frissonner les assistants. | |
— Chasseur, je connais cette histoire. | |
Je ne veux pas perdre mon temps. | |
Je puis t’enseigner des prières | |
Pour charmer la fureur des loups, | |
Ou pour conjurer des sorcières | |
L’œil malfaisant tourné vers nous. | |
Crains qu’une vieille, en sa misère, | |
Ne jette un sort sur ton printemps. | |
— Chasseur, n’ai-je pas un rosaire ? | |
Je ne veux pas perdre mon temps. | |
Eh bien ! vois cette croix qui brille ; | |
Compte ses rubis précieux. | |
Sur le sein d’une jeune fille | |
Elle attirerait tous les yeux. | |
Prends-la malgré ce qu’elle coûte ; | |
Mais songe au prix que j’en attends ! | |
— Qu’elle est belle ! ah ! je vous écoute. | |
Ce n’est pas là perdre mon temps. | |
Прансуз ногӧн гижис
Pierre-Jean de Béranger
Pierre-Jean de Béranger